TVA sur marge des terrains à bâtir : « enterrement » de première classe par la CJUE !

Dans un arrêt du 30 septembre 2021, la CJUE considère que la TVA sur marge s’applique lorsque le vendeur initial a supporté une TVA et que l’acquéreur-revendeur n’a pas pu la déduire (CJUE 30/09/2021 aff. 299/20, Icade Promotion SAS) .
Par ailleurs, elle consacre le principe d’identité juridique, à savoir que le « terrain à bâtir » revendu doit avoir été acquis comme « terrain à bâtir ». Elle renvoie sur ce point à l’interprétation des législations nationales sur la qualification juridique de terrain à bâtir.
Elle écarte en revanche le principe d’identité physique : le fait que le terrain ait été divisé ou aménagé entre son acquisition et sa revente est « sans incidence sur sa qualification de « terrain à bâtir » tant que ces aménagements ne peuvent être qualifiés de « bâtiments ». ».
La CJUE articule son argumentation autour du principe de neutralité fiscale : « Le régime de taxation sur la marge a pour finalité de garantir ce principe dans la mesure où ce régime vise à compenser une rémanence de TVA non déductible. » Exemple : lorsqu’un garagiste achète un véhicule d’occasion auprès d’un particulier, ce véhicule a déjà été soumis à la TVA. Cette TVA ne pouvant être déduite s’agissant d’une acquisition faite auprès d’un non assujetti, la neutralité fiscale impose de supprimer cette fameuse rémanence au moyen d’une « déduction « base sur base ». ». La cour rappelle d’ailleurs qu’elle s’est déjà prononcée sur le cas de figure des biens d’occasion. On relèvera que la CJUE confirme le premier point soutenu par Icade dans cette affaire (CE 25/06/2020 n°416727 ICADE ).
Icade Promotion avait réclamé le remboursement de TVA sur marge sur les exercices 2007 et 2008 au titre de la vente de terrains à bâtir auprès de particuliers ; pour un montant total de l’ordre de 5,2 millions d’euros.
Deux arguments sont avancés par Icade, s’appuyant sur l’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée :
– cet article ne permet la taxation sur la marge que lorsque l’assujetti qui réalise de telles livraisons a supporté la taxe sur la valeur ajoutée lors de l’acquisition des terrains tout en étant privé du droit d’en opérer la déduction ;
– ce même article ne permet la taxation sur la marge que pour les simples achats/reventes de terrains en l’état ; et non pas en cas de transformation. Sur ce point, la CJUE écarte l’argument développé par Icade.
On remarquera au passage que, dans une affaire encore plus récente, le Conseil d’Etat censure la CAA de Lyon qui a jugé sans incidence sur l’application du régime de la TVA sur marge « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente » (CE 13/10/2021 n° 433745 ). Il s’agit, mot pour mot, du même « considérant » que celui développé dans l’arrêt CE 27-03-2020 Promialp n°428234 .

Cet arrêt de la CJUE remet en cause l’application de la TVA sur marge dans « le cas de l’acquisition d’un terrain à bâtir lorsque son vendeur initial est un particulier qui se borne à gérer son patrimoine privé ». Ce cas de figure étant très fréquent, l’arrêt de la CJUE sera assurément lourd de conséquences.

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